Vendre ses actions peut être abusif

L’application de la mesure anti-abus cible la cession de titres d’une entreprise avec un stock de liquidité.

Arrêt de la Cour d’appel d’Anvers du 06 septembre 2022

« Un entrepreneur avait cédé ses actions à un tiers. La reprise a été effectuée par une holding qui avait financé le prix d’acquisition par un crédit bancaire. Une partie de ce crédit avait ensuite été remboursé à la banque grâce aux liquidités prêtées à la holding par une sous-filiale de la société cible. S’en suivirent des fusions post-acquisition des sociétés du groupe cible et des remontées de réserves en direction de la holding, à la faveur de distribution de dividendes et de tantièmes. 

Le fisc condamnait le cédant qui vend ses parts à un tiers en valorisant les réserves car il estime que le vendeur a participé au montage fiscal. Cette pratique est définie d’abus fiscal. En effet, l’entreprise possède des liquidités excédentaires qui ne sont pas nécessaires au bon fonctionnement de l’activité économique. La façon la plus classique de bénéficier de cet excédant pour le cédant est de procéder à une distribution de dividende taxable au précompte mobilier de 30%.

La Cour a estimé que l’opération dans sa globalité constituait un « abus fiscal » et a entériné la requalification d’une partie du prix de cession correspondant aux réserves accumulées au niveau des filiales de la société cible en dividende taxable à l’impôt des personnes physiques (IPP) au taux de 25% applicable à l’époque chez le cédant. »

Cet arrêt entérine la position déjà connue du Service des Décisions Anticipées qui se focalise sur les  transferts de liquidités excédentaires dans le cadre des cessions internes des actions à une société holding. La holding finance l’acquisition des actions par emprunt et rembourse grâce aux remontées de dividendes en interne. Cette opération peut être vue comme abus fiscal par le fisc, qui pourrait taxer ces dividendes au précompte mobilier.

Cet arrêt applique ce principe de taxation lié aux liquidités excédentaires, connu pour les cessions internes, également aux cessions aux tiers.

La Cour a condamné le cédant et non la société holding alors que le cédant déclarait qu’il n’était ni  responsable, ni partie prenante de cette remontée de liquidités vers la société holding. Pour la Cour, il suffit seulement que le cédant soit impliqué dans différentes étapes du montage. Pour ce faire, la Cour fait référence à différents passages d’un mémorandum effectué par les conseillers fiscaux du cédant démontrant l’intention de l’abus fiscal.

En conclusion, la prudence est lors de la rédaction de notes techniques par les professionnels fiscaux. Face à ces nouveaux revirements, il est certainement préférable de faire appel à la procédure de ruling fiscal pour obtenir ses apaisements.

 

Quentin VAN EMELEN
Collaborateur