Liquidation tout en un ou le don de voyance des professionnels du chiffre

En vertu de l’article 184 § 5 du Code des sociétés, une dissolution et une liquidation dans un seul acte ne sont possibles qu’aux conditions suivantes:

  • aucun liquidateur n’est désigné ;
  • il n’y pas de passif ;
  • tous les actionnaires ou tous les associés sont présents ou valablement représentés à l’assemblée générale et décident à l’unanimité des voix ;
  • l’actif restant est repris par les associés eux-mêmes.

La deuxième condition pose en pratique un certain nombre de problèmes dans la mesure où les capitaux propres d’une société font parties de son passif.

L’article 108 de la loi du 25 avril 2014 portant des dispositions diverses en matière de Justice modifie l’énoncé de la deuxième condition comme suit : « toutes les dettes à l’égard des tiers ont été remboursées ou les sommes nécessaires à leur paiement ont été consignées. ».

De plus, un nouvel alinéa est inséré à l’article 184, § 5: « Si un rapport doit être établi par un commissaire, un réviseur d’entreprises ou un expert-comptable externe conformément à l’article 181, § 1er, troisième alinéa, ce rapport mentionne le remboursement ou la consignation dans ses conclusions ».

On peut donc se réjouir d’un peu plus de clarté dans la liquidation en un seul acte :

  1. La nouvelle disposition parle de dettes, ce qui veut dire que les fonds propres ne sont pas pris en considération pour déterminer la notion d’absence de passifs ;
  2. La nouvelle disposition parle de dettes vis-à-vis des tiers. L’existence de dettes vis-à-vis des associés n’empêche donc pas la liquidation en un seul acte ;
  3. Il faut que toutes les dettes soient payées ou que les sommes soient consignées lors de l’acte.  Par analogie avec l’article 190 §2 du CDS, cette consignation doit se faire auprès de la caisse de dépôts ou consignation pour les sommes qui n’ont pas pu être payées. Voilà qui complexifie une procédure simple.

Par contre, nous devons stipuler le remboursement des dettes ou la consignation dans le rapport. Notre rapport est antérieur à l’assemblée générale. Il est donc possible de recevoir les preuves du remboursement des dettes existantes dans la situation active passive contrôlée avant la signature de notre rapport mais nous ne sommes pas Madame Soleil. Il nous est impossible d’attester que la société n’a plus contracté de dettes entre la situation auditée et le jour de l’assemblée générale.

Cette situation pose quelques questions. Quid du précompte mobilier pour le boni de liquidation ? Lors de notre contrôle, la dette n’existe pas puisqu’elle nait avec la liquidation. Idem pour l’impôt éventuel sur les plus-values latentes des biens attribués aux associés à l’occasion de la clôture de liquidation. Quel est le montant de la plus- value-latente qui sera admise ? …

La plus grande prudence s’impose donc et il est alors préférable de nous présenter des situations sans dettes si vous optez pour une liquidation en un seul acte…

Christophe Remon
Réviseur d’entreprises